Le 20ème siècle s'est caractérisé par ses mouvements d'instabilité : deux conflits mondiaux entrecoupés de combats locaux le jalonnent. Toutes les nations de la planète ont connu peu ou prou ce phénomène : ce n'est donc pas une marque de socialisation ou de barbarisme. L'Europe de l'ouest a vécu ces mêmes sursauts.
Ainsi la France eut-elle beaucoup de difficultés à guérir des séquelles de la première guerre mondiale. Sa pratique politique ne l'aidait peut-être pas : les présidents de la république se sont succédé à peine moins vite que ceux du Conseil. De 1918 aux années 1930, la France se trouve orpheline d'un million sept cent mille morts, jeunes hommes pour la plupart, et riche d'un million de veuves de guerre, dans un environnement économique défavorable : les évolutions techniques ne s'intègrent que difficilement dans la société. La conjoncture internationale viendra ébranler tous les états fragilisés (n'oublions pas que la première guerre a coûté 8,6 millions de morts) : marasme et montée du nazisme en Allemagne, pénible organisation des Balkans, repliement sur soi de l'Europe de l'Est, récession en Amérique. Le jeudi noir de 1929 n'arrangera en rien les choses.
La politique économique de Poincaré laissera des traces indélébiles (blocage des salaires, dévaluation de 80%, prix galopants). Les lois sociales existent pourtant déjà pour la plupart : les syndicats sont reconnus depuis 1884, les conventions collectives existent depuis 1919, des lois sur les assurances et logements sociaux voient le jour en 1928. Mais elles sont interprètées ou appliquées très diversement.
Les gouvernements successifs, et tout particulièrement ceux de Poincaré, refuseront à la fonction publique l'exercice du code du travail : non reconnaissance des syndicats, interdiction du droit de grève, par exemple. Entre 1919 et 1926, les traitements des fonctionnaires n'auront quasiment pas été actualisés, malgré les demandes constantes des agents, et même des députés : quelques morceaux de bravoure oratoire dans les débats entre élus et gouvernement ne font pas avancer le sujet. En 1928, neuf agents des contributions directes sont suspendus ou mutés d'office par le président du Conseil et ministre des finances, Poincaré. Quatre, à Paris, ils sont tous responsables du syndicat; cinq adhérents à Toulouse. Que leur reproche-t-on ? Aux uns, d'avoir émis l'idée, dans le cadre de leur organisation syndicale, de donner des priorités pour calculer et recouvrer l'impôt : les titulaires de bénéfices supérieurs à 100.000 F de l'époque auraient été taxés en premier; à d'autres, de s'être réunis (à trois) pendant les heures de travail pour «organiser des moyens d'action sur le gouvernement pour qu'il augmente les traitements des fonctionnaires », aux deux derniers, d'avoir, en privé, émis l'idée d'inciter les contribuables à échapper illégalement à l'impôt.
Le syndicat, et les nombreux agents des contributions qui ont répondu alors à trois souscriptions, permettront à leurs neuf camarades soit de bénéficier de subsides, soit de faire face aux frais de mutation d'office, la plupart étant chargés de famille : dans les années trente, les familles sont nombreuses, et les épouses ne travaillent pas à l'extérieur. La note est lourde, d'autant que le juge administratif, saisi, ne se prononce pas immédiatement. C'est alors que des rédacteurs, au lieu d'écrire pour leur compte, proposent au syndicat d'éditer un guide pratique, à destination des contribuables et des agents, qui serait pratique, complet, écrit par des techniciens de la matière, et bon marché, pour toucher un large public, en particulier celui qui n'a pas les moyens de recourir aux conseils spécialisés. Le Guide pratique du Contribuable était né, destiné à alimenter la caisse de solidarité du syndicat. Sa première édition est commercialisée par le biais des marchands de journaux et des bibliothèques fin janvier 1932 : elle est épuisée en trois semaines. Le juge administratif, lui, rétablira nos camarades dans leurs droits (il n'y avait pas eu de pratique illégale, grève, réunion interdite, etc., mais discussions privées, comme on peut en avoir de table de travail à table de travail, ou devant une machine à café) une dizaine d'années plus tard.
Depuis, son succès ne s'est pas démenti. Chaque année, le Guide pratique donne pour un prix correct, l'information la plus complète sur la fiscalité votée, et aide à rédiger sa déclaration de revenus. L'évolution aidant, et sans remettre en cause son numéro phare, le guide pratique a développé son catalogue, en proposant aux contribuables plusieurs guides thématiques (fiscalité des associations, impôt sur la fortune, impôts locaux, droits de mutation, savoir réclamer, année fiscale).
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